Traitement des eaux non-conventionnelles, une solution d’avenir pour économiser l’eau potable dans les process industriels

Les ressources en eau douce se raréfient de plus en plus à travers le monde, ce qui engendre des défis majeurs pour assurer un approvisionnement en eau adéquat dans divers secteurs, notamment celui de l’industrie. Dans ce contexte en forte tension, la réutilisation des eaux non conventionnelles apparaît comme une solution prometteuse pour économiser l’eau potable et répondre aux besoins industriels croissants. Cette approche consiste à exploiter des sources alternatives d’eau qui ne sont pas directement prélevées dans les ressources naturelles et qui ont été traitées de manière appropriée. Cela inclut les eaux usées traitées, les eaux de pluie, les eaux grises (eaux usées domestiques), ainsi que l’eau issue de dessalement ou eau saumâtre.

L’importance de la préservation de l’eau potable dans les process industriels

Selon les statistiques de 2021 du Ministère de la Transition Écologique, l'agriculture se positionne en tant que première consommatrice d'eau, représentant 57% de la consommation totale. En comparaison, l'eau potable représente 26% de la consommation, le refroidissement des centrales nucléaires 12%, et l'industrie 5%. Bien que l'industrie ne soit pas le plus grand consommateur d'eau, certaines de ses activités en sont très gourmandes. C'est notamment le cas des industries de transformation qui nécessitent des volumes importants d'eau pour garantir leur processus de production.

À titre d’exemple, il faut :

• 300 à 600 litres d’eau pour produire 1kg d’acier,
• 300 à 400 litres d’eau pour produire 1kg de sucre,
• 40 à 500 litres d’eau pour fabriquer 1kg de papier, contre 1 à 10 litres pour fabriquer 1kg de papier recyclé.

La question de l'eau dans le contexte industriel revêt une importance capitale. L'eau est essentielle pour les différents processus industriels, tels que le lavage et l'élimination des déchets, le fonctionnement des chaudières ainsi que pour le refroidissement des installations, qui représente la majeure partie de la consommation industrielle d'eau. Selon ces différents usages, la qualité de l'eau requise peut varier. Dans certains secteurs tels que l'agroalimentaire et la chimie, l'eau doit être potable, voire "ultrapure". Pour les activités de nettoyage des machines, l'eau doit être de qualité suffisante, à l'exception des équipements utilisés dans le secteur alimentaire, qui doivent respecter des normes sanitaires strictes.

Notons qu’en dix ans (de 2004 à 2015), les prélèvements d'eau dans le secteur industriel ont diminué de 15%. Cette baisse est le résultat de divers facteurs :

• L'optimisation des processus industriels visant à minimiser les pertes d'eau
• L'adoption de technologies plus efficaces en termes d'utilisation de l'eau
• La mise en place de systèmes de recyclage et de réutilisation des eaux traitées

La gestion des eaux pluviales est un des axes majeurs dans la transition écologique des industries. Elle permet de réduire la quantité d’eau prélevée nécessaire à la production. Conformément à l’arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération de l’eau de pluie et à son usage intérieur et extérieur des bâtiments, l’utilisation des eaux pluviales collectées à partir des toitures est autorisée pour des usages industriels, à l’exception de ceux qui nécessitent l’utilisation d’une eau potable destinée à la consommation humaine selon les normes définies par le code de santé publique.

Cette réglementation permet donc aux industriels de mettre en place des systèmes de collectes, de stockage et de traitement des eaux pluviales afin de les utiliser dans leurs différents process de fabrication, non liés à la consommation humaine, comme les bacs de rinçage, l’usinage d’une pièce métallique, le découpage d’une plaque de verre, etc.

En pratique, comment ça se passe ?

L'utilisation de l'eau de pluie dans les processus industriels implique plusieurs étapes clés.

Étape 1 : La collecte de l’eau

La première étape consiste à évaluer la pluviométrie moyenne annuelle de la région afin de déterminer la quantité d’eau de pluie disponible. Ensuite, en fonction de la surface de la toiture, le volume d’eau qui peut être collecté pendant les périodes de pluie est calculé. Ces informations sont fondamentales pour déterminer la taille adéquate du système de récupération d’eau de pluie.

Étape 2 : La filtration des matières en suspension

Une fois l’eau de pluie collectée, il est important de filtrer les particules solides et les impuretés qui peuvent s’y trouver. Cette étape de filtration permet d’assurer une meilleure qualité de l’eau en éliminant les matières en suspension. Des filtres appropriés sont utilisés pour garantir une purification efficace.

Étape 3 : Le traitement de l’eau physico-chimique

L'eau de pluie va également subir un traitement physico-chimique pour éliminer les composés organiques responsables des odeurs altérant la qualité de l'eau. Le charbon actif et la reminéralisation sont souvent utilisés dans ce processus de traitement.

Toujours dans une optique de favoriser la gestion durable de l’eau dans les différents processus industriels, les solutions de recyclage et de réutilisation des eaux usées permettent aux industriels de traiter leurs eaux de manière à les réemployer dans leurs process (réutilisation) ou à recycler les effluents traités pour divers usages (recyclage). Cette pratique est largement employée dans le secteur de l’industrie, offrant ainsi aux entreprises la possibilité d'optimiser l'utilisation des ressources en eau et de réduire leur dépendance vis-à-vis des sources d'eau conventionnelles.

Depuis plusieurs années en France, la réutilisation des eaux usées traitées d’origine urbaine est autorisée en France pour les applications agricoles et l’irrigation des espaces verts. Cependant, c’est avec l’adoption de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire que l’utilisation d’autres types d’eaux, notamment les effluents industriels, a été introduite. Cette loi prévoit la mise en place d’un décret permettant d’élargir les usages des eaux traitées.

En revanche, la REUSE était proscrite dans les industries agroalimentaires, y compris pour des applications de nettoyage, en vertu de ce décret. Cette restriction était basée sur l'article L.1322-14 du Code de santé publique, qui concerne l'utilisation d'eau potable destinée à la consommation humaine. Selon cette disposition, l'eau destinée à la consommation humaine doit satisfaire à des normes de qualité et provenir d'une source naturelle.